Grèves des universitaires - a faire suivre

Ici, à la DV, c'est la section flood, où la prose vole rarement au dessus de la ceinture...

Grèves des universitaires - a faire suivre

Message par Biscornus » 15 Février 2009, 09:48

J'ai trouver ça bien écrit, alors je communique ça ici ! Un peu de politique ? Des réactions ? J'aimerai croire qu'on peut autant parler de bite que d'autres choses les gros !

Pierre Jourde est Professeur de Lettres à l'Université Stendhal-Grenoble III.

Université: les fainéants et les mauvais chercheurs, au travail!
Par Pierre Jourde (Écrivain et Professeur des Universités, Grenoble III)

Une poignée de mandarins nantis qui ne fichent rien de leurs journées et refusent d'être évalués sur leur travail, manifeste contre la réforme Pécresse pour défendre des privilèges corporatistes et une conception rétrograde de l'université. Au travail, fainéants!

L'ignorance et les préjugés sont tels que c'est à peu près l'image que certains journalistes donnent du mouvement des chercheurs, des universitaires et des étudiants qui se développe dans toute la France. Au Monde, Catherine Rollot se contente de faire du décalque de la communication ministérielle, en toute méconnaissance de cause. Le lundi 9 février, Sylvie Pierre-Brossolette, sur l'antenne de France Info, défendait l'idée brillante selon laquelle, comme un chercheur ne produit plus grand-chose d'intéressant après quarante ans («c'est génétique»!), on pourrait lui coller beaucoup plus d'heures d'enseignement, histoire qu'il se rende utile.

Il aurait fallu mettre Pasteur un peu plus souvent devant les étudiants, ça lui aurait évité de nous casser les pieds, à 63 ans, avec sa découverte du virus de la rage. Planck, les quantas à 41 ans, un peu juste, mon garçon! Darwin a publié L'Evolution des espèces à 50 ans, et Foucault La Volonté de savoir au même âge. Ce sont des livres génétiquement nuls. Aujourd'hui, on enverrait leurs auteurs alphabétiser les étudiants de première année, avec de grosses potées d'heures de cours, pour cause de rythme de publication insuffisant. Au charbon, papy Einstein! Et puis comme ça, on économise sur les heures supplémentaires, il n'y a pas de petits profits.

Mais que Sylvie Pierre-Brossolette se rassure: le déluge de réformes et de tâches administratives est tel que son vœu est déjà presque réalisé. On fait tout ce qu'il faut pour étouffer la recherche. Les chercheurs et les enseignants-chercheurs passent plus de temps dans la paperasse que dans la recherche et l'enseignement. Ils rédigent les projets de recherche qu'ils auraient le temps de réaliser s'ils n'étaient pas si occupés à rédiger leurs projets de recherche. La réforme Pécresse ne fera qu'accroître cela.

Les journalistes sont-ils suffisamment évalués au regard de leurs compétences et de leur sérieux? Est-ce que c'est génétique, de dire des bêtises sur les antennes du service public?

On enrage de cette ignorance persistante que l'on entretient sciemment, dans le public, sur ce que sont réellement la vie et le travail d'un universitaire. Rien de plus facile que de dénoncer les intellectuels comme des privilégiés et de les livrer à la vindicte des braves travailleurs, indignés qu'on puisse n'enseigner que 7 heures par semaine. Finissons-en avec ce ramassis de légendes populistes. Un pays qui méprise et maltraite à ce point ses intellectuels est mal parti.

La réforme Pécresse est fondée là-dessus: il y a des universitaires qui ne travaillent pas assez, il faut trouver le moyen de les rendre plus performants, par exemple en augmentant leurs heures d'enseignement s'ils ne publient pas assez. Il est temps de mettre les choses au point, l'entassement de stupidités finit par ne plus être tolérable.

a) l'universitaire ne travaille pas assez

En fait, un universitaire moyen travaille beaucoup trop. Il exerce trois métiers, enseignant, administrateur et chercheur. Autant dire qu'il n'est pas aux 35 heures, ni aux 40, ni aux 50. Donnons une idée rapide de la variété de ses tâches: cours. Préparation des cours. Examens. Correction des copies (par centaines). Direction de mémoires ou de thèses. Lectures de ces mémoires (en sciences humaines, une thèse, c'est entre 300 et 1000 pages). Rapports. Soutenances. Jurys d'examens. Réception et suivi des étudiants. Elaboration des maquettes d'enseignement. Cooptation et évaluation des collègues (dossiers, rapports, réunions). Direction d'année, de département, d'UFR le cas échéant. Réunions de toutes ces instances. Conseils d'UFR, conseils scientifiques, réunions de CEVU, rapports et réunions du CNU et du CNRS, animations et réunions de centres et de laboratoires de recherche, et d'une quantité de conseils, d'instituts et de machins divers.

Et puis, la recherche. Pendant les loisirs, s'il en reste. Là, c'est virtuellement infini: lectures innombrables, rédaction d'articles, de livres, de comptes rendus, direction de revues, de collections, conférences, colloques en France et à l'étranger. Quelle bande de fainéants, en effet. Certains cherchent un peu moins que les autres, et on s'étonne? Contrôlons mieux ces tire-au-flanc, c'est une excellente idée. Il y a une autre hypothèse: et si, pour changer, on fichait la paix aux chercheurs, est-ce qu'ils ne chercheraient pas plus? Depuis des lustres, la cadence infernale des réformes multiplie leurs tâches. Après quoi, on les accuse de ne pas chercher assez. C'est plutôt le fait qu'ils continuent à le faire, malgré les ministres successifs et leurs bonnes idées, malgré les humiliations et les obstacles en tous genres, qui devrait nous paraître étonnant.

Nicolas Sarkozy, dans son discours du 22 janvier, parle de recherche «médiocre» en France. Elle est tellement médiocre que les publications scientifiques françaises sont classées au 5e rang mondial, alors que la France se situe au 18e rang pour le financement de la recherche. Dans ces conditions, les chercheurs français sont des héros. Les voilà évalués, merci. Accessoirement, condamnons le président de la république à vingt ans de travaux forcés dans des campus pisseux, des locaux répugnants et sous-équipés, des facs, comme la Sorbonne, sans bureaux pour les professeurs, même pas équipées de toilettes dignes de ce nom.

b) l'universitaire n'est pas évalué

Pour mieux comprendre à quel point un universitaire n'est pas évalué, prenons le cas exemplaire (quoique fictif) de Mme B. Elle représente le parcours courant d'un professeur des universités aujourd'hui. L'auteur de cet article sait de quoi il parle. Elle est née en 1960. Elle habite Montpellier. Après plusieurs années d'études, mettons d'histoire, elle passe l'agrégation. Travail énorme, pour un très faible pourcentage d'admis. Elle s'y reprend à deux fois, elle est enfin reçue, elle a 25 ans. Elle est nommée dans un collège «sensible» du Havre. Comme elle est mariée à J, informaticien à Montpellier, elle fait le chemin toutes les semaines. Elle prépare sa thèse. Gros travail, elle s'y consacre la nuit et les week-ends. J. trouve enfin un poste au Havre, ils déménagent.

A 32 ans, elle soutient sa thèse. Il lui faut la mention maximale pour espérer entrer à l'université. Elle l'obtient. Elle doit ensuite se faire qualifier par le Conseil National des Universités. Une fois cette évaluation effectuée, elle présente son dossier dans les universités où un poste est disponible dans sa spécialité. Soit il n'y en a pas (les facs ne recrutent presque plus), soit il y a quarante candidats par poste. Quatre années de suite, rien. Elle doit se faire requalifier. Enfin, à 37 ans, sur son dossier et ses publications, elle est élue maître de conférences à l'université de Clermont-Ferrand, contre 34 candidats. C'est une évaluation, et terrible, 33 restent sur le carreau, avec leur agrégation et leur thèse sur les bras. Elle est heureuse, même si elle gagne un peu moins qu'avant. Environ 2000 Euros. Elle reprend le train toutes les semaines, ce qui est peu pratique pour l'éducation de ses enfants, et engloutit une partie de son salaire. Son mari trouve enfin un poste à Clermont, ils peuvent s'y installer et acheter un appartement. Mme B développe ses recherches sur l'histoire de la paysannerie française au XIXe siècle. Elle publie, donne des conférences, tout en assumant diverses responsabilités administratives qui l'occupent beaucoup.

Enfin, elle se décide, pour devenir professeur, à soutenir une habilitation à diriger des recherches, c'est-à-dire une deuxième thèse, plus une présentation générale de ses travaux de recherche. Elle y consacre ses loisirs, pendant des années. Heureusement, elle obtient six mois de congé pour recherches (sur évaluation, là encore). A 44 ans (génétiquement has been, donc) elle soutient son habilitation. Elle est à nouveau évaluée, et qualifiée, par le CNU. Elle se remet à chercher des postes, de professeur cette fois. N'en trouve pas. Est finalement élue (évaluation sur dossier), à 47 ans, à l'université de Créteil. A ce stade de sa carrière, elle gagne 3500 euros par mois.

Accaparée par les cours d'agrégation, l'élaboration des plans quadriennaux et la direction de thèses, et, il faut le dire, un peu épuisée, elle publie moins d'articles. Elle écrit, tout doucement, un gros ouvrage qu'il lui faudra des années pour achever. Mais ça n'est pas de la recherche visible. Pour obtenir une promotion, elle devra se soumettre à une nouvelle évaluation, qui risque d'être négative, surtout si le président de son université, à qui la réforme donne tous pouvoirs sur elle, veut favoriser d'autres chercheurs, pour des raisons de politique interne. Sa carrière va stagner.

Dans la réforme Pécresse, elle n'est plus une bonne chercheuse, il faut encore augmenter sa dose de cours, alors que son mari et ses enfants la voient à peine. (Par comparaison, un professeur italien donne deux fois moins d'heures de cours). Ou alors, il faudrait qu'elle publie à tour de bras des articles vides. Dans les repas de famille, son beau-frère, cadre commercial, qui gagne deux fois plus qu'elle avec dix fois moins d'études, se moque de ses sept heures d'enseignement hebdomadaires. Les profs, quels fainéants.



Personnellement, j'aurais une suggestion à l'adresse de Mme Pécresse, de M. Sarkozy et accessoirement des journalistes qui parlent si légèrement de la recherche. Et si on fichait la paix à Mme B? Elle a énormément travaillé, et elle travaille encore. Elle forme des instituteurs, des professeurs, des journalistes, des fonctionnaires. Son travail de recherche permet de mieux comprendre l'évolution de la société française. Elle assure une certaine continuité intellectuelle et culturelle dans ce pays. Elle a été sans cesse évaluée. Elle gagne un salaire qui n'a aucun rapport avec ses hautes qualifications. Elle travaille dans des lieux sordides. Quand elle va faire une conférence, on met six mois à lui rembourser 100 euros de train. Et elle doit en outre subir les insultes du président de la république et le mépris d'une certaine presse. En bien, ça suffit. Voilà pourquoi les enseignants-chercheurs manifestent aujourd'hui.
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Re: Grèves des universitaires - a faire suivre

Message par Ack » 15 Février 2009, 12:35

Je connais assez peu le dossier de la réforme des universités donc je vais éviter les commentaires mais c'est vrai que c'est bien écrit et que les arguments donnés sont fort.

Merci pour l'article Bisco, tu pourrais nous indiquer la source aussi s'il te plait ?
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Re: Grèves des universitaires - a faire suivre

Message par Rhiannon » 16 Février 2009, 10:54

C'est sur le blog de Jourdes, un des blogs du Nouvel Obs.

Y'a pas à dire, je suis totalement d'accord avec ce qu'il dit. Et encore, avec l'exemple de Mme B., il prend l'exemple de quelqu'un qui a l'agreg et qui peut donc enseigner en lycée (et avoir un salaire etc etc etc) en attendant d'être recrutée au CNRS.
Dans la recherche en science dure, la plupart des gens n'ont pas l'agreg, se retrouvent à enchainer les CDD en attendant d'être pris aux concours. Et puis là, les exemples que j'ai, c'est pas Rouen Montpellier, mais plus souvent des labos à l'étranger, et aux USA. Donc pour rentrer tous les week ends, c'est plus dur... Et va avoir une vie de famille dans ces conditions !

En ce qui concerne l'évaluation, c'est la plus grosse sottise que je n'ai jamais entendu ! Dans les sciences "dures" - je ne me prononce pas pour les sciences sociales parce que je ne connais pas du tout, mais je suppose que c'est pareil - on passe notre temps à être évalués !
(1) Pour avoir une promotion, bien sur !
(2) Pour avoir les financements permettant de lancer un nouveau projet - donc tous les ans ou tous les deux ans, par un organisme national ou supra national.
(3) Pour pouvoir publier un article - ce qui est devenu la base du boulot de chercheur : on envoie notre travail à un journal (généralement américain ou anglais), qui le donne à un éditeur (si il juge le travail pas intéressant, càd pas à la mode, il le repousse), qui, si il l'accepte, l'envoie à 3-4 scientifiques du même domaine (donc avec lesquels on est en concurrence, qui travaillent généralement sur la même problématique) à charge pour eux de le lire dans les détails et de le juger acceptable ou non. Il suffit qu'un seul se prononce défavorablement pour que l'article soit refusé.
(4) Par la hiérarchie- tous les deux trois ans, un conseiller scientifique du CEA (je fais ma thèse au CEA) passe voir comment ça se passe dans les labos, regarde ce qui a été publié (3), les projets en cours, les demandes de financement acceptées (2). Si il juge le travail insuffisant, le chercheur peut s'attendre à voir ses financements baisser, ses demandes de recrutement refusées (mais ça, il s'y attend dans tous les cas !
(5) Pour avoir un étudiant en thèse ou post doc : les financements et l'accord de l'école doctorale ne sont accordés que si le labo publie bien, et si le projet a l'air d'avoir de l'avenir. Un étudiant en thèse, c'est tous les deux ans en moyenne ; un post doc, tous les 2-3 ans aussi.

Donc faut arrêter de dire que les chercheurs ne son pas évalués. J'ai l'impression qu'ils passent même plus de temps à remplir les dossiers d'évaluation qu'à faire de la recherche proprement dite !!

Bon, je m'arrête là, mais je pourrais en parler encore pendant des heures.
Le système est complètement pourri et inadéquat, ça c'est sur, mais c'est pas une raison pour l'empirer !
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Re: Grèves des universitaires - a faire suivre

Message par Adara » 16 Février 2009, 13:20

en droit l'agreg c'est une quarantaine de personnes tous les deux ans, il faut avoir fait une thèse de facile 5 ou 6 ans et tu donnes pas beaucoup de cours mais quand le gouvernement change la loi toutes les deux minutes tu te lèves tous les matinsà pas d'heure pour essayer de savoir où en est l'actualité. J'ai eu des profs qui étaient à jour des communications de la matiné en débutant les cours à 8h00 le matin ... ils s'étaient levés à 6h pour consulter les communiqués de l'assemblée nationale et savaient où en étaient les débats parlementaires.

Les mecs doivent savoir quel est le dernier jugement en date, s'il est important et ce dans une masse de matières ahurissantes. En général, outre le droit français ils connaissent très bien le droit anglais et le droit allemand. etc. mais ouais c'est des branleurs nantis qui donnent 7 heures de cours par semaine seulement et qui se tournent les pouces. (en général ils sont aussi avocats parce qu'enseigner le droit sans le pratiquer c'est un peu comme faire des cours de peinture en étant aveugle....

Donc ouais ils foutent rien, ouais ils sont pas évalués et ouais merci monsieur N (lire Haine) pour venir faire un peu le ménage là dedans...)
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Re: Grèves des universitaires - a faire suivre

Message par Zu » 16 Février 2009, 14:08

wé^^ et va trouver un chien d'aveugle qui sache peindre!

...euh

...dsl

imo, les évaluations ne sont que des instruments de flicage et de pseudo justification, témoins de la paranoia et de la judiciarisation d'un système autiste malade d'incompétence...
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Re: Grèves des universitaires - a faire suivre

Message par Smon » 18 Février 2009, 21:45

Je suis actuellement à la fac de droit de Metz, qui est une des (rares?) fac à ne pas faire grève.
Certains de mes profs se sont expliqués sur ce choix.
L'un d'entre eux voit la réforme d'un assez mauvais œil, mais ne fait pas grève pour l'instant en attendant de voir comment évoluent les débats au conseil d'État.
Une autre déclare être consciente des privilèges du statut d'enseignant chercheur et trouver anormal d'être les seuls à ne pas être évalués. Elle pense que le système actuel n'est pas bon et qu'il faut le réformer.

Dans l'ensemble, ils trouvent tous idiot que l'attribution de cours supplémentaires soit considéré comme une sanction par le projet de réforme, en tout cas eux ne considèrent pas que s'en est une. Je pense qu'ils préfèreraient une autre solution...
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Re: Grèves des universitaires - a faire suivre

Message par Trohzen » 17 Mars 2009, 16:01

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